mardi 2 septembre 2008

*L’Aéroport International Blaise Diagne

Pour les grands travaux de Maître Abdoulaye Wade, l’équipe d’experts financiers autour de Karim et de l’APIX avait imaginé l’utilisation du financement par contrat BOT (Built, Operate and Transfert ), avec un opérateur privé, disposant d’une concession sur une période suffisante d’amortissement, qui Construit , Exploite et Transfert ( CET ). C’est ainsi qu’une loi fut spécialement votée le 13 Février 2004 pour constituer le cadre légal des contrats de type CET. Malheureusement les investisseurs ne se sont pas bousculés pour la réalisation des projets de Wade, ni pour l’autoroute à péage, ni pour l‘aéroport international de N’diass.
L’Etat, par la volonté de Wade s’engagea dans les travaux de la première phase de réalisation de l’autoroute grâce aux milliards obtenus dans des emprunts obligataires successifs et des fonds issus du budget d’investissement et de l’apport des bailleurs. Selon les circonstances, le projet est estimé à 280 ou à 200 milliards de francs CFA. La phase Dakar- Pikine de plus de 12 km sera entièrement réalisée par l’Etat ; la 2e phase d’un peu plus de 20 km sera réalisée dans un partenariat public-privé que l’Etat tente de susciter. Le schéma dessiné à priori par l’APIX prévoit une participation privée à hauteur de 40 % du financement pour un montant de 47 milliards de francs. En tout cas le Directeur de la Banque Mondiale au Sénégal aurait adressé le 16 juin 2008 une lettre au FMI pour les convaincre à aider le Sénégal à lever des fonds auprès d’ une banque internationale à un taux non concessionnel. D’ailleurs un appel d’offres pour la sélection d’un opérateur serait lancé depuis le 2 Avril 2007 et sa désignation se terminerait vers la fin de l’année 2008.
Voilà une drôle de concession, que l’on va offrir pour 25 ans à des privés qui n’auraient décaissé que moins de 20% d’un projet au coût global avoisinant les 280 milliards. Dans le cas d’espèce la logique économique voudrait que l’Etat finançât la totalité de l’opération et confiât ensuite la gestion à un opérateur qui lui verserait une substantielle redevance, tout en assurant à l’infrastructure un entretien et une maintenance adéquats pendant la durée de la concession. Ceci d’autant plus que c’est l’Etat du Sénégal qui devrait assister les partenaires privés à trouver des fonds dont il garantirait par ailleurs le remboursement intégral

Mais le libéralisme’ de type « Alternance » encourage l’enrichissement d’amis bien choisis dans des cas où l’Etat aurait pris tous les risques et supporté le fardeau financier le plus lourd. Ici il n’ya point de CET et le partenaire privé ne devrait être qu’un gestionnaire choisi sur la base de sa capacité technique et le niveau de son offre financière compensatrice

La tortuosité des manœuvres de la famille Wade se manifeste de la façon la plus éclatante dans le montage financier de la réalisation de l’aéroport international de N’diass :
Dans son justificatif de projet, l’APIX notait que le développement du Sénégal à l’horizon 2020 commandait d’avoir un aéroport aux normes internationales, qui nécessitait, si l’on voulait garder celui de Yoff, un investissement de 210 milliards de francs CFA, et que dans tous les cas l’emprise actuelle de 800 hectares de l’aéroport Léopold Sédar Senghor était loin du besoin d’extension se situant à 2600 hectares. L’agence concluait qu’il était plus pertinent de construire un nouvel aéroport dont le coût était estimé à seulement 173 milliards de francs
Lorsque l’option de construire un aéroport fut arrêtée sur la base de cet argumentaire, le projet bizarrement fut réévalué à 2oo milliards. Pour le financement, l’APIX a retenu l’action de l’Etat par emprunt obligataire ou bancaire, garanti par la Redevance de Développement des Infrastructures Aéroportuaires (RDIA) et pour l’exploitation, la sélection par appel d’offres d’un gestionnaire privé de classe internationale. BMCE CAPITAL, cette fameuse banque d’affaires marocaine fut choisie pour étudier la structuration du financement à partir de la RDIA. Lorsqu’il s’est agi d’emprunter pour la réalisation de l’aéroport, le projet grimpa à 235 milliards. Cette façon cavalière d’estimer cette activité montre encore une fois le peu de sérieux et la légèreté des pseudo-spécialistes qui gèrent cette affaire. Le montant réel des projets n’a aucune importance, le chiffre retenu dans chaque version dépendant exclusivement de la thèse à défendre.

Le résultat de cette magouille est connu de tous : l’Etat créa dans le style Partenariat-Public-Privé (PPP), une société anonyme au capital de 100 millions dont 55% des actions sont détenus par Monsieur OUSMANE DIOP du Groupe Prestige et ses amis qui interviennent déjà à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, et 45% par l’Etat du Sénégal, le 24 Février 2006 .Cette société dénommée AIBD.sa, est désignée par l’Etat comme la société de projet, dans une convention relative à la conception, la réalisation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation et le développement de l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD) Pour réaliser sa mission, AIBD.sa va s’adosser sur la RDIA créée et fixée par les décrets 2005-138 et 2005-1021 des 28 Février et 24 Octobre 2005.Cette redevance ,estimée par certains à une quarantaine de milliards par an, sera perçue jusqu’à complet remboursement du prêt de 235 milliards dont AIBD.sa sera porteur, pour la construction du nouvel aéroport..Il faut rappeler que la RDIA est collectée conformément aux dispositions de l’OACI par l’Association Internationale des Transporteurs Aériens ( IATA ),capturée dans un compte séquestre et gérée à travers la BMCE CAPITAL Ce dispositif a permis à la BMCE de structurer les modalités de l’emprunt avec la BNP-Paribas et d’autres partenaires.
AIBD.sa jouit d’une concession de 30 ans pour construire, exploiter et transférer la structure à l’Etat Sénégalais, ainsi que d’un bail de 99ans sur un terrain de 4500 hectares dont seulement 2600 constitue l’emprise maximale du nouvel aéroport. Voilà donc notre opérateur bidon, propriétaire d’un aéroport potentiel d’une valeur de 235 milliards de francs disposant en outre d’un terrain de1900 hectares sur lequel il pourra mener toutes sortes de spéculations. Mais, il faut construire l’aéroport et l’exploiter et notre opérateur ne sait pas le faire. Qu’à cela ne tienne ! AIBD.sa va faire faire, par des spécialistes de rang international.
C’est dans ce cadre que le chef de projet, AIBD.sa , a sélectionné , par appel d’offre international, un consortium dirigé par Fraport AG pour assurer la gestion du futur aéroport. Fraport créa une société de droit sénégalais, DAPORT, pour exécuter la mission et celle-ci reçut de AIBD.sa, dans le cadre d’une convention d’une durée de 25ans, une concession de gestion de l’aéroport AIBD : « la société de gestion (SG) bénéficiera de l’exclusivité, sans exception ni réserve, de l’exploitation commerciale aéroportuaire relative au trafic aérien régulier international et régional au départ et à destination du Sénégal et ce, dans un rayon de 150 km autour de DIASS ».La société de gestion versera à la société de projet une redevance dans les conditions définies par la convention et négociées entre parties. « Dans le cadre de la convention et de la Loi, la société de gestion est autorisée, en contrepartie des services rendus, à percevoir des redevances sur les usagers de l’aéroport, ainsi que toute autre forme de revenu tiré de l’exploitation de l’aéroport……….. En contrepartie des dépenses qu’elle s’engage à faire, en exécution de la convention, la SG est autorisée à percevoir toutes les redevances à l’exclusion de la RDIA et de celle revenant à l’ASECNA. »
La convention rappelle qu’en échange des missions qu’elle exécute au titre de l’article 2 de la Convention de DAKAR, l’ASECNA est autorisée à percevoir directement la redevance relative à l’usage des dispositifs d’assistance à la navigation aérienne qu’elle met en œuvre.
C’est l’occasion de trancher le débat actuel sur les redevances de l’ASECNA que le Sénégal perçoit indûment; les redevances d’atterrissage et de balisage dans les aéroports cités nommément dans l’article 2 de la Convention de Dakar et listés en annexe de cette convention, constituent la contrepartie naturelle de l’assistance relevant des missions dévolues à l’ASECNA. Aussi longtemps que le Sénégal restera au sein de l’ASECNA, les redevances relatives à l’assistance de l’ASECNA au profit de l’aéroport de Dakar, devront être directement perçues par l’ASECNA. La position actuelle du Sénégal est donc illégale et indéfendable La raison la plus évidente est que AIBD.sa rappelle à DAPORT cette prérogative de l’ASECNA, pour un aéroport qui n’est même pas encore construit
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Nous avons donc notre opérateur, société de Projet et son futur gestionnaire et il faut maintenant construire notre AEROPORT.
L’appel d’offres pour la construction de l’Aéroport International Blaise Diagne, lancé en Août 2006, a été dépouillé en Décembre 2006 et le contrat adjugé dans des conditions scandaleuses à la société saoudienne Ben Laden. La question n’a pas été de contester la compétence de la société attributaire, loin s’en faut, mais les conditions dans lesquelles le choix du bénéficiaire a été opéré. En effet c’est le consortium ZAKHEM / Etat Chinois qui avait présenté la meilleure offre, tant du point de vue technique que financier et il a fallu retarder de quelques jours la publication des résultats prévus le 20 Décembre, afin de permettre à Ben Laden de s’ajuster. En tout cas, selon WALF, l’offre du consortium écarté était de 110 milliards, alors que Ben Laden culminait à 165 milliards. Il faut noter que la phase de présélection arrêtée en Juin 2006 avait permis de verrouiller l’appel d’offres afin que le contrat ne puisse pas échapper à Ben Laden, des amitiés soigneusement entretenues devant réserver au consortium un rôle de simple faire-valoir. Le nom de Pierre Aim, cité déjà dans l’affaire des fonds Thaiwanais et d’autres dossiers obscurs touchant les Wade, a été mentionné dans ce cadre comme un acteur de l’ombre. La décision est d’autant plus curieuse que le consortium avait accompagné sa proposition d’un budget bouclé à hauteur de 90 % , soit 100 milliards de francs, là où Ben Laden n’avait réussi à lever que 44 milliards sur 165.On apprend que des personnes perchées au palais se partagèrent une commission de 10% du marché, soit 16,5 milliards, versés dans un compte ouvert à DUBAI au nom d’un habitant du palais présidentiel
En tout état de cause l’affaire Ben Laden, comme toutes celles qui ont suivi, semble avoir été arrangée par les Wade, lors du fameux voyage présidentiel d’avril 2006 en Arabie Saudite et aux Emirats Arabes Unis, toutes les procédures de sélection et d’adjudication utilisées n’ayant été que pur formalisme.
Quand on voit aujourd’hui comment APIX.sa continue de gérer cette histoire d’aéroport malgré la désignation de l’Opérateur AIBD.sa, du Constructeur Ben Laden et du Gestionnaire DAPORT, on comprend aisément que les Grands Travaux des Wade ne sont qu’une vaste arnaque servant à détourner les fonds publics vers des comptes privés ouverts un peu partout dans le monde, par l’utilisation de structures navigant hors de l’Administration Publique et des rouages réglementaires de l’Etat, donc sans aucune possibilité de contrôle.
Sinon comment expliquer que selon des informations fournies par la presse, l’offre de Ben Laden ait été ramenée à 126,5 milliards après qu’on eût modifié les spécifications techniques et les termes de références du projet initial ? Si l’on considère que la construction de AIBD va revenir à 126,5 milliards auxquels il faut ajouter 7 à 10 milliards de frais d’ « impenses », le coût de l’opération ne devrait pas dépasser 140 milliards. La question qui se pose dès lors est de savoir ce que l’opérateur AIBD.sa va faire du reliquat du prêt de 235 milliards, garanti par l’Etat et la RDIA ! L’absence de délimitation de responsabilités claires entre Etat, APIX.sa et AIBD.sa dans la gestion des problèmes induits par le projet de l’Aéroport International de N’diass est la preuve manifeste de la duplicité du régime pseudo-libéral de Maître Abdoulaye Wade.

On ne peut pas fermer ce chapitre sans s’intéresser à l’avenir de la gestion de nos activités aéroportuaires nationales. En effet, depuis le 10 Mai 2008 le Sénégal a repris à l’ASECNA la gestion de ses activités nationales qu’il lui avait confiée, avec les mesures illégales de rétention de redevances déjà signalées ci- dessus. Or avec les conventions signées entre l’Etat, la Société de Projet et la Société Gestionnaire, un an avant la fin des travaux de N’diass, des dispositions de transition devraient être prises pour transférer les activités de YOFF vers N’diass, c'est-à-dire la responsabilité de la structure actuelle Aéroports du Sénégal ( ADS ) vers le binôme AIBD.sa-DAPORT Sachant qu’ADS ne dispose que des ressources issues des redevances et services perçus à l’Aéroport Léopold Sédar Senghor, comment pourrait-il prospérer ?Avec quelles ressources les agences telles que ANACS, AMNS, Haute autorité de l’Aéroport, qui sont financées exclusivement par ADS, pourront-elles assurer leur fonctionnement, sans remettre en cause les missions d’intérêt national dont elles sont investies. Avec quel budget le Sénégal va assurer la survie et le développement de ses aérodromes régionaux ? On sait combien Farba Senghor est un ministre sérieux dans sa manière de gérer ses dossiers, aussi on pense que ceux qui l’exposent dans l’affaire de AIBD, de l’ASECNA et des redevances détournées, lui ont toujours caché la vérité ; ils l’ont envoyé au combat comme un bon tirailleur, quitte à lui faire assumer les conséquences d’une action vouée naturellement à l’échec, rien que pour préserver des intérêts présentement bien menacés. Aujourd’hui le Ministre des Transports Aériens a un rôle majeur à jouer dans le dénouement de la crise qui va naître de l’échec de toutes les magouilles ourdies autour de l’Aéroport fictif de Ndiass qui peine à émerger de terre. Pour ne pas condamner ses propres structures à la disparition et rendre vains tous les efforts déployés depuis des années pour le développement du secteur, le Ministre doit saisir l’opportunité que lui offrent les bailleurs, notamment le FMI et la Banque Mondiale qui ont vigoureusement dénoncé le scandaleux montage financier de l’’Aéroport International Blaise Diagne et demandé avec insistance à l’Etat du SENEGAL de racheter les parts du privé dans le capital d’AIBDsa. Pour lui, la solution la plus pertinente aujourd’hui et la plus juste, serait de racheter totalement, sans frais, ni bénéfice, ni plus-value, la portion privée du capital d’ AIBD.sa qui constitue une forfaiture, et de faire d’ADS la Société de Projet. L’avantage d’un pareil dispositif est de préserver la pérennité des activités aéronautiques nationales tout en s’aménageant la possibilité d’associer ADS avec tout partenaire stratégique pertinent pour la construction et la gestion du nouvel aéroport Blaise Diagne. Cette recapitalisation d’AIBD.sa, disons sa disparition au profit d’ADS, est la seule issue pour corriger le montage inique de son financement, garantir les prérogatives et les intérêts de l’Etat du Sénégal et répondre à la demande des bailleurs, à la tête desquels les Institutions de BRETTON WOODS.
Je suis persuadé que la position de Farba Senghor par rapport à la redevance de l’ASECNA et s’agissant des velléités du SENEGAL de sortir de l’ASECNA, n’a été dictée par Abdoulaye Wade que sous l’inspiration de son entourage direct et familial qui gère ce dossier selon des intérêts strictement privés et personnels et qui ne mesurait pas les désastreuses conséquences des décisions envisagées. Il est encore temps de bien faire, mais tout de suite car des retards sont déjà pris et les implications financières risquent d’être catastrophiques à moyen terme !!!