mercredi 14 septembre 2011

SOS LONASE:S'IL VOUS PLAIT NE LA PRIVATISEZ PAS

SOS LONASE.

La Loi 2004-08 du O6 Février 2004 a modifié la Loi 87-23 du 18 Août 1987 portant sur la privatisation de certaines entreprises publiques, en complétant son annexe par l’adjonction de trois nouvelles entreprises publiques qui sont :

-Le Centre International du Commerce Extérieur du Sénégal (CICES),

-Le Centre Expérimental de Recherche et d’études pour l’équipement (CEREEQ),

-La Loterie Nationale Sénégalaise (LONASE).

Les rédacteurs de cette loi se sont contentés de rappeler les objectifs particuliers et conjoncturels de 1987 qui avaient poussé le législateur sénégalais à préconiser la privatisation de certains secteurs de son économie, alors que la situation de 2004 pour les entreprises ciblées n’est en rien comparable à celle de 1987. Les arguments utilisés dans l’exposé des motifs tels que « promotion de l’initiative privée, effets de la mondialisation, élargissement du cadre concurrentiel et élimination de toute entrave à l’efficacité des mécanismes de marché….. ». Tous ces arguments sont fallacieux et n’ont aucune pertinence par rapport aux sociétés visées par la loi. Et pour le démontrer, je voudrais me concentrer uniquement sur la LONASE, en articulant ma démarche autour de trois points.

1- Les objectifs poursuivis et les facteurs contemporains évoqués ne concernent pas la LONASE.

2- Le contrôle des jeux fait partie de la fonction régalienne de l’Etat.

3- La LONASE est une société d’ordre public rentable.

Il y a dans l’histoire de la LONASE une grande ironie : en effet, la LONASE a été créée comme société nationale par la loi 87-43 du 28 Décembre 1987, la même année où en sens inverse l’Etat privatisait certains secteurs de l’activité économique nationale dont il détenait la gestion, par cette fameuse loi 87-23 du 18 Août 1987 que l’assemblée a modifiée en 2004. La LONASE prenait ainsi la place d’une société d’économie mixte au sein de laquelle pourtant l’Etat était largement majoritaire par l’achat de 80% des actions de la société de loterie concédée par l’Etat à un privé français en 1966.

L’Etat du Sénégal, conscient des enjeux drainés par les jeux avait fini de prendre la mesure de l’importance et de la sensibilité de ce secteur et l’avait intégré dans le portefeuille du secteur public- Autre époque, autre réalité, les hommes d’hier semblent être plus responsables et plus perspicaces que ceux d’aujourd’hui-

Je disais donc

  1. La LONASE n’ est pas concernée par les motifs invoqués : en effet, pour le premier objectif, autonomie et responsabilisation effective des gestionnaires, la LONASE, société nationale a bien l’autonomie financière et la personnalité juridique qui confère à ses gestionnaires une grande liberté d’action ; d’ailleurs certains en ont abusé. Pour le second objectif relatif à la mobilisation et l’orientation de l’épargne publique et privée vers des investissements productifs, il appartient à l’Etat de l’impulser

dans le cadre de la LONASE qui est un réceptacle de l’épargne forcée des parieurs. Quant à la réduction ou la suppression des subventions, il faut noter que c’est à la LONASE de payer une redevance à l’Etat et non à elle de recevoir une subvention et jamais cela n’a été le cas. Le dernier point concernant l’accès au Capital des petits épargnants définit bien l’activité ludique dans laquelle la LONASE baigne quotidiennement. Aussi, aucun des motifs de 1987 ne concerne la LONASE d’aujourd’hui.

  1. Les facteurs additionnels développés pour justifier la privatisation partielle des entreprises citées dans la Loi ne peuvent pas s’appliquer à la LONASE : la promotion de l’initiative privée dans un domaine public monopolistique ne peuvent se justifier que lorsque l’activité est grevée par des contraintes que seule l’initiative privée peut lever. Or la LONASE est une société nationale anonyme de droit privé dont le Capital appartient à l’Etat à 100%. Rien donc ne s’oppose à ce qu’elle puisse se développer dans son statut actuel en usant le cas échéant de la contractualisation avec des partenaires porteurs d’idées novatrices ou propriétaires de brevets ou de biens technologiques nécessaires à son expansion. Aucun effet de mondialisation ou de régionalisation ne peut entraver le développement de la société qui est membre de l’Association Internationale des Loteries d’Etat (AILE) et de l’association africaine des Loteries d’Etat (AALE). Et d’ailleurs ce serait là pour la LONASE, une raison de plus de ne pas être privatisée. Recentrer les actions de l’Etat autour de ses missions régaliennes et de souveraineté a été certainement le fondement de la loi 87-43 du 28 Décembre 1987 autorisant la création de la société nationale de loterie car il s’agit d’un monopole d’ordre public qui doit veiller au respect d’intérêts de natures économique, éthique et social.

Il est curieux de noter que toute l’argumentation développée par les initiateurs de la loi tend à justifier non pas la privatisation des sociétés ciblées, mais leur privatisation partielle et non totale, estimant malgré tout que l’Etat doit toutefois demeurer un actionnaire minoritaire. Sans que l’on sache d’ailleurs si cette position serait ou non à incidence bloquante dans la prise de décision au sein de la société.

En regardant la liste des entreprises ciblées on se rend compte que l’objet réel de cette loi est de privatiser la LONASE et uniquement la LONASE,car les intérêts mis en jeu dans les autres sociétés sont vraiment mineurs. Et avec une participation minoritaire comment l’Etat entend-il contrôler les jeux de hasard au Sénégal, lui qui en est incapable aujourd’hui au niveau des casinos où son impuissance est criarde et au niveau de la LONASE qui lui appartient à 100% et où il est incapable de s’assurer d’une bonne gestion et d’une bonne gouvernance ?

La LONASE est une société d’ordre public rentable. La loterie est une activité qui doit être gérée par les pouvoirs publics et c’est comme cela que ça se passe dans tous les pays civilisés, peut être sauf chez les « nègres » qui sont encore incompétents ou corrompus, ou encore dans les pays de « non droit » où sévissent la guerre et le désordre. Socialistes et libéraux du monde entier sont unanimes pour reconnaître que les activités de jeux et surtout la Loterie, sont des activités d’ordre public qu’il convient de contrôler. Les cahiers de charge des jeux doivent faire l’objet de contrôle et chaque type de jeu doit faire l’objet d’une autorisation ministérielle publiée au journal officiel. La protection des joueurs et de la société incombant à l’Etat, celui-ci doit pouvoir veiller à la législation qu’il établit sur les jeux et au respect de certains principes éthiques.

Ces principes défendus par toutes les loteries nationales concernent :

- La garantie de l’intégrité du jeu et le respect du processus édicté

- La prévention des comportements non souhaitables

- La lutte contre le jeu excessif et la protection des mineurs.

Il y a beaucoup de questions sur cette privatisation minoritaire préconisée par l’Etat et dont le journal « Le Quotidien » a signalé l’imminente mise en œuvre.

D’abord la société garderait-elle son monopole sur les jeux, avec la même concession et la même redevance de 10% ? Ce serait bien juteux pour le repreneur car,

3. La LONASE est une société rentable.

Ici, il convient de revenir sur un sujet rabâché par les pouvoirs publics et relatif à un déficit de la société. La LONASE est une société structurellement rentable puisque c’est son chiffre d’affaires qui fait l’objet d’une répartition dans laquelle l’Etat, les joueurs et l’administration de la société trouve chacun son compte. Chaque fois qu’un joueur joue 100F, l’Etat perçoit 10F de redevance et un droit de timbre de 3F, le vendeur 7F, le Cheval 1F, le parieur 60F et le solde concessionnaire revenant au gestionnaire est de 19F pour le PMU. Pour les loteries, la marge reste toujours à 20% pour le concessionnaire, 10% pour l’Etat, 60% pour les parieurs et 10% pour le vendeur.

Le problème de la LONASE se trouve dans l’utilisation du solde concessionnaire qui doit couvrir tous les frais de la société : personnel, fournitures et matériels divers, communication et Marketing. De 1989 à 2004 la société a cumulé des redevances impayées à l’Etat d’un montant de quelques 22 milliards ; ses dépenses d’exploitation ayant été régulièrement supérieures à la part revenant à la LONASE, de telle sorte que celle-ci a dû régulièrement prendre la part revenant à l’Etat.

En regardant les différentes rubriques de dépenses les plus excédentaires, on a noté le personnel et les supports de jeu, mais surtout les subventions, marchés de complaisance et autres libéralités.

L’Etat a laissé faire parce que les responsables politiques ont toujours utilisé cette société pour entretenir d’une manière ou d’une autre leur clientèle politique ; la tutelle n’a jamais osé faire des remontrances au Directeur Général nommé et souvent protégé par le chef de l’Etat ou l’appareil d’Etat et, le conseil d’administration sans pouvoir et sans relief, n’a jamais pris d’initiative ou de décision dans le sens d’une bonne gouvernance.

L’autre question est de savoir si on vend la LONASE en entier ou en deux entités. Cette question est pertinente si l’on comprend que la structure nationale développe deux activités : le Pari Mutuel Urbain et les jeux de loterie.

Dans beaucoup de pays, comme le Maroc et la France, ce sont deux sociétés différentes qui gèrent ces activités qui toutes deux sont très rentables. Au Sénégal, le PMU à lui seul fait au moins 25 milliards de recettes par an, sur les 30 milliards de recette de la société. Au Maroc, la loterie à elle seule fait plus de 27 milliards de francs CFA et le PMU Maroc ne doit pas être en reste puisqu’il s’est modernisé depuis 2001. Grâce au partenariat avec Gtech pour la loterie Maroc et PMC pour le pari mutuel urbain dans le cadre du PMU France , les sociétés de jeux marocains se portent à merveille. Dans ce pays la redevance versée à l’Etat est de 20% et la loterie alimente un fonds spécial de solidarité destiné à venir en aide aux populations défavorisées. Comme l’indique le site Internet de la Loterie marocaine « La Loterie Nationale du Maroc créée en 1971 ne cesse d’évoluer et d’améliorer ses résultats. Bien qu’elle soit sous le contrôle de l’Etat, la Loterie Nationale est une société anonyme de droit privé ; ce statut lui a permis un plus grand dynamisme et lui a offert la possibilité de mener une politique d’action plus étendue. »

On voit ainsi qu’on n’a pas besoin de privatiser la LONASE pour la rendre plus performante et ses problèmes d’aujourd’hui ne sont en rien liés à son statut de société d’Etat.

En France, il y a deux sociétés différentes qui gèrent les activités de Loterie et les activités de courses. Ce sont pour la Loterie, la Française des jeux (FDJ) et pour les courses hippiques le Pari Mutuel Urbain (PMU). En 2006, ces deux sociétés ont généré 6300 milliards de FCFA de recettes avec la FDJ et 5400 milliards FCFA avec le PMU- sur ces recettes l’Etat perçoit une marge d’environ 28%- Il faut signaler que pendant ce temps, les casinos ont eu un chiffre d’affaires d’environ 12800 milliards de FCFA dans lequel l’Etat français et les collectivités locales se payent une part appréciable.

Tous les exemples cités servent à montrer que l’activité des jeux de hasard est une activité rentable.

Une autre question intéressante dans notre débat est de savoir pourquoi l’Etat a effacé la totalité de la dette de la LONASE (plus de 22 milliards), la rendant ainsi plus crédible, a autorisé l’automatisation de la prise de pari au niveau du PMU, pour ensuite se décider à la privatiser. Quel sera le prix de cession d’une société aussi juteuse et à qui la vendra-t-on ?

Ce sont là des questions essentielles dont les réponses devront fournir au peuple la preuve que ceux qui nous dirigent travaillent pour des intérêts étrangers à l’intérêt général et à l’intérêt national .Cela sent l’arnaque et la magouille à plein nez.

Je voudrais dans ce combat contre la privatisation de la LONASE renvoyer ceux que la question intéresse aux deux livres écrits par nos journalistes d’investigation Abdou Latif Coulibaly et Pape Samba Kane sur la LONASE et sur les casinos et les machines à sous.

L’un nous explique avec moult détails pourquoi la Loterie Nationale Sénégalaise n’est pas rentable pour l’Etat, alors qu’elle draine des sommes faramineuses utilisées n’importe comment au profit d’intérêts privés ; l’autre nous décrit le monde des casinos et des machines à sous et le danger qu’une bande malintentionnée d’hommes d’affaires douteux pourrait faire courir à notre économie fragile mais aussi et surtout à notre société minée à plus de 50% par la pauvreté et ternie par la corruption et la cupidité de ses dirigeants.

Dans « Loterie Nationale Sénégalaise, chronique d’un pillage organisé », Abdou Latif Coulibaly pose la vraie problématique en terme de gouvernance : « Le terrible pillage des ressources de la LONASE que nous dénonçons, les méthodes par lesquelles ceux qui en sont responsables y sont arrivés, de même que les conditions et les circonstances qui l’expliquent, posent de nouveau la question de la gouvernance d’Etat dans notre pays. »

De quelque côté qu’on regarde on est dépité : bradage du patrimoine foncier de l’Etat ou plus justement de la Nation, création de sociétés privées avec des fonds publics, rachat par l’Etat de société au Capital de provenance douteuse et bâtie sur les vestiges et le patrimoine d’une société publique, consolidée par la coopération de notre pays avec des pays amis .. etc…

Ces pratiques mafieuses de blanchiment de fonds publics et les importantes quantités de drogues qui circulent entre le Sénégal et la Guinée Bissau inscrivent notre pays sur la liste des pays louches que surveillent la Police internationale et les Organisations de lutte contre la corruption.

C’est pourquoi nous affirmons avec Pape Samba Kane dans son ouvrage » Le poker menteur des hommes politiques » : « Les promoteurs du bradage de la LONASE, qui croient à leur affaire, poursuivent toujours leurs objectifs premiers- Leurs amis des multinationales du jeu n’ont pas distribué des dessous de table à tout va pour se laisser arrêter par des lois de nègres que l’on peut faire changer en sortant son chéquier. Et apparemment, ça fonctionne dans le sens qu’ils souhaitent ».

Enfin je voudrais montrer que la société LONASE peut beaucoup s’améliorer si les pouvoirs publics prennent la peine de la soumettre au régime de droit commun des sociétés anonymes de droit privé auquel elle appartient :

Ø S’il faut ouvrir le capital pour renforcer la capacité financière de la société, tout en la maintenant dans l’optique du service public, s’orienter vers des structures telles que la Poste, l’IPRES et la Caisse de sécurité sociale par exemple et même la SICAP. L’entrée de ces sociétés dans le Capital de la LONASE enrichirait le conseil d’administration d’hommes compétents et engagés vers le développement.

Ø Une conséquence immédiate serait la réorganisation de la Direction Générale et du Conseil d’administration afin d’éviter le pouvoir solitaire d’un Directeur général politiquement engagé, et, en même temps :

-Eriger deux Directions techniques distinctes, l’une spécifiquement chargée de la gestion des loteries et l’autre étant responsable exclusivement de la gestion du Pari Mutuel Urbain (PMU)

-Développer et mettre en œuvre un programme de régénération des loteries avec notamment le Loto et ses dérivées qui peuvent rapidement accroître le chiffre d’affaires de cette activité .Ce secteur,s’il est informatisé,comme c’est le cas en France et au MAROC,pourrait rapporter plus que le PMU qui est aujourd’hui le jeu phare de la LONASE

Ø Toujours au cas où l’Etat du Sénégal serait décidé à exploiter au profit de toute la NATION ce secteur des jeux si plein de promesse,il devrait revoir la législation sur les casinos et s’inspirer de la France pour augmenter la part de l’Etat dans le pactole engendré par les jeux de casino, notamment dans le secteur des machines à sous. Ce sont des milliards que les exploitants engrangent dans ce secteur des casinos, ne laissant à l’Etat que des miettes, comme l’a si bien démontré Pape Samba Kane dans son ouvrage. Mais les pouvoirs publics en ont-ils la volonté ou même le désir ?

Chaque fois que j’entends parler de la privatisation de la LONASE, je suis malade car ce serait un crime et une trahison envers la Nation entière puisqu’il existe beaucoup d’alternatives à cette option. Cet article est l’ultime cri que je lance sur cette affaire de la LONASE et je souhaiterais que son écho se répercute à travers tous les médias et que ce combat soit celui de tout le peuple sénégalais. Je souhaite que tous les journalistes du Sénégal à l’instar de Pape Samba Kane et Abdou Latif Coulibaly le mènent avec conviction et persévérance, jusqu’à la victoire finale. Privatiser la LONASE c’est dangereux par ses conséquences car cela ouvrirait la voie, légalement, à la mafia internationale et à la dépravation de nos mœurs, mais ce serait aussi une manœuvre malhonnête qui mettrait entre les mains de tiers des ressources normalement dévolues à la Nation entière. Tous les pays du monde utilisent les résultats de leur Loterie d’Etat et les recettes publiques issues des Casinos et des jeux pour financer des programmes d’ordre public et social et apporter une assistance à la frange la plus démunie de la population. Pour quels intérêts l’Etat du Sénégal ramerait-il à contre courant ?

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